Penser le son au-delà des oreilles, c'est la mission d'un groupe d'élèves au Florida !
Contre toute attente, c'est bien dans un lieu de musique et de concert bien connu d'Agen qu'un groupe d'une dizaine d'élèves, internes ou pas, vont réfléchir à la manière dont les sourds perçoivent la musique, pour penser le son au-delà de leurs oreilles...
Le 13 septembre, accompagné du Dr Rioual, professeure de musique à Chaumié et titulaire d'un doctorat en musicologie, le groupe d'internes présents au collège le mercredi après-midi s'est rendu au Florida pour rencontrer Pierre-Mary Gimenez, créateur de la Machine Sonore Infernale. Sous la forme de ce qui pourrait évoquer un tableau de bord de vaisseau spatial, la MSI pour les intimes, permet à un groupe de 9 personnes de jouer de la musique ensemble.
Pierre-Mary et Mme Rioual présentent le projet : il s'agira de créer une extension de la MSI pour la rendre plus inclusive et plurisensorielle. Les élèves échangent leurs propositions : il faudra représenter visuellement le son par des lumières, des images ou la langue des signes, et faire appel au toucher à travers les vibrations. Les sons aigus vibrant moins que les sons graves, les sourds ressentent davantage les percussions. Créer une extension à la MSI, ce sera donc mettre aussi les mains dans l'électronique…
Le 27 septembre, le petit groupe s'est enrichi d'autres élèves non-internes curieux d'apporter leur pierre à l'édifice. Pour faire comprendre aux élèves le monde sourd et son rapport à la musique, première étape dans la salle de concert du Florida pour une expérience sonore : ressentir par son corps les vibrations produites par des sons graves et des caissons de basse. Les sons créent des mouvements dans le ventre, font battre le cœur plus fort, vrillent nos oreilles peu habituées à recevoir autant de vibrations. En tenant un ballon gonflable près de soi, on sent les vibrations dans ses mains. La musique n'est plus entendue mais ressentie physiquement. Puis, visite des différents espaces du Florida : ce lieu de culture très ancien, construit en 1930, programme des concerts de musique actuelle mais permet aussi à des musiciens de répéter dans des studios spécialement aménagés et insonorisés.
La salle de concert (photo du site Internet du Florida)
Un studio de répétition (photo du site Internet du Florida)
De retour dans la salle de travail de Pierre-Mary, Mme Rioual précise les connaissances pour éviter les préjugés et les stéréotypes. Premier point de vocabulaire : on ne dit pas « malentendants » mais « sourds ». En effet, la surdité n'est un handicap que pour les entendants. Pour les sourds, ce n'est pas un monde à part, mais bien une culture dans laquelle la musique se crée progressivement une place, comme le prouvent les pratiques de musiciens sourds tels que Dame Evelyn Glennie, Orla O'Sullivan, Sean Forbes ou encore Maati El Hachimi. Des sourds de naissance jouent d'un instrument, chantent, dansent, car ils ont une approche multisensorielle de la musique : puisqu'ils ont peu ou pas le sens de l'ouïe, ils développent celui de la vue et du toucher. Il ne faut donc pas chercher à donner accès à la « musique entendante » aux sourds, mais créer un dispositif qui permettra de partager la musique entre sourds et entendants, à travers des sensations communes.
Les élèves ont accepté cette mission ambitieuse… Ils devront présenter le résultat de leur travail à une classe d'élèves de l'Institut National des Jeunes Sourds de Castelmoron, qui les rejoindra au Florida le 13 décembre.
En attendant, rendez-vous le 11 octobre pour rentrer dans le vif du sujet : réfléchir aux besoins et moyens techniques à mettre en œuvre pour concevoir le prototype d'extension de la MSI.
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